Mon Dieu, je ne crois pas
Que tu fasses tomber la pluie ou briller le soleil, à la carte, à la demande,
pour que pousse le blé du paysan chrétien ou que réussisse la kermesse de Monsieur le Curé.
Que tu trouves du travail au chômeur bien pensant
et laisses les autres chercher, et ne jamais trouver.
Que tu protèges de l’accident l’enfant dont la mère a prié
et laisses tuer le petit qui n’a pas de maman pour implorer le ciel,
Que tu donnes toi-même à manger aux hommes, quand nous le demandons
et les laisses mourir de faim quand nous cessons de supplier.
Mon Dieu, je ne crois pas
Que tu nous conduises là où tu veux et que nous n’ayons qu’à nous laisser guider,
Que tu nous envoies cette épreuve et que nous n’ayons qu’à l’accepter,
Que tu nous offres ce succès et que nous n’ayons qu’à te remercier,
Que lorsque tu le décides, tu rappelles à toi celui que nous aimons et que nous n’ayons qu’à nous résigner.
Non mon Dieu, je ne crois pas
Que tu es un dictateur possédant tous les pouvoirs, imposant ta volonté pour le bien de ton peuple,
Que nous sommes des marionnettes dont à ta guise tu tires les ficelles
et que tu nous fais jouer un mystérieux scénario dont tu as fixé depuis toujours les moindres détails de la mise en scène.
Non, je ne le crois pas, je ne le crois plus, car je sais maintenant, Ô mon Dieu
Que tu ne le veux pas,
Que tu ne le peux pas,
Parce que tu es AMOUR,
Parce que tu es PERE, que nous sommes tes enfants,
Ô mon Dieu pardon.
Car nous n’avons pas osé croire que par amour
Tu nous as depuis toujours voulus LIBRES
non pas seulement libres de dire oui ou non à ce que pour nous d’avance tu as décidé,
Mais libres de réfléchir, choisir, agir à chaque instant de notre vie.
Nous n’avons pas osé croire que tu as tellement voulu cette liberté
Que tu as risqué le péché, le mal, la souffrance, fruits gâtés de notre liberté dévoyée, horrible passion de ton amour bafoué,
Que tu as risqué alors de perdre aux yeux de beaucoup de tes fils
ton auréole de bonté infinie et la gloire de la toute-puissance.
Nous n’avons pas osé comprendre, enfin, que lorsque tu as voulu
A nos yeux définitivement te révéler,
Tu es venu sur cette terre, PETIT, FAIBLE, NU
Et que tu es mort attaché sur une croix, ABANDONNE, IMPUISSANT, NU.
Pour signifier au monde que ta seule puissance,
Est la puissance infinie de l’Amour,
Amour qui nous libère,
Pour que nous puissions aimer.
Ô mon Dieu, je sais maintenant que tu peux tout
………sauf nous ôter la liberté.
O MON GRAND DIEU AIMANT, si humble, si discret que je ne pourrai atteindre et comprendre qu’en étant tout petit,
donne-moi de croire de toutes mes forces à ta seule « toute-puissance » :
la toute-puissance de ton AMOUR.
Je pourrai alors un jour, avec mes frères réunis, fier d’avoir tenu ma place d’homme libre, débordant de bonheur, t’entendre dire : « va mon enfant, ta foi t’a sauvé ».
Michel Quoist